“Les échecs d’insertion ne sont pas une fatalité, mais le résultat d’un accompagnement encore trop inégal, insiste l’IGAS”
En mai 2025, l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a rendu un rapport choc sur la situation des jeunes sortant de l’Aide sociale à l’enfance (ASE). Malgré les avancées législatives, beaucoup continuent de quitter la protection sans accompagnement suffisant. Résultat : trop de jeunes majeurs se retrouvent encore livrés à eux-mêmes, parfois dès 18 ans.
Un parcours jalonné d’obstacles
La sortie de l’ASE devrait être une étape d’émancipation. Dans la réalité, elle ressemble souvent à un saut dans le vide. Manque de logement, absence de revenus stables, ruptures de parcours… Les jeunes concernés cumulent les fragilités.
397 000
148
34 400
Une loi encore trop peu appliquée
La loi du 7 février 2022 a instauré un droit inconditionnel à l’accompagnement jusqu’à 21 ans. Une avancée historique… mais sur le terrain, la mise en œuvre reste défaillante.
- Dans certains départements, 70 % des jeunes sont suivis. Dans d’autres, moins d’un tiers.
- Les dispositifs clés – entretien avant la majorité, droit au retour, suivi post-sortie – sont très peu mobilisés.
- L’accompagnement est parfois conditionné à un projet professionnel ou à un logement autonome, en contradiction avec l’esprit de la loi.
Des partenariats trop fragiles
L’accès au droit commun (emploi, santé, logement) devrait être facilité, mais les passerelles restent faibles. Peu de départements ont mis en place les commissions d’accès à l’autonomie ou des protocoles partenariaux. Les jeunes se retrouvent alors dans un entre-deux : plus protégés par l’ASE, mais pas encore intégrés dans les dispositifs de droit commun.
Des moyens en hausse, des pratiques très variables
Les départements consacrent 1,2 Md€ à l’accompagnement après 18 ans. Mais le taux de poursuite (jeunes effectivement accompagnés en accueil provisoire jeune majeur, indicateur ONPE) n’est que de 51 % en 2023, avec de forts écarts : 32 % dans le premier quartile, 58 % dans le troisième. La durée d’accompagnement varie de 12 à 25 mois selon les territoires.
En 2022, environ 34 400 jeunes majeurs étaient accompagnés par l’ASE.
Côté finances, les dépenses d’ASE ont augmenté de 39 % entre 2016 et 2023, surtout parce que le nombre d’enfants accompagnés a progressé ; le coût moyen par bénéficiaire n’augmente que de 6 % en euros courants
Qui est accompagné… et pour combien de temps ?
Les jeunes en situation de handicap sont davantage accompagnés (≈ 75 % ; +10 pts vs moyenne), pour environ 2 ans. Les mineurs non accompagnés (MNA) sont, eux, quasi-systématiquement accompagnés (entre 79 % et 100 %), mais avec des durées variables selon les départements
Les pistes pour avancer
L’IGAS formule 15 recommandations pour améliorer la situation.
Parmi elles :
- instaurer un entretien systématique au moment de la sortie,
- simplifier le dispositif du « pécule »,
- développer les partenariats avec bailleurs sociaux, missions locales et assurance maladie,
- prolonger l’accompagnement au-delà de 21 ans,
- créer un pilotage national renforcé avec des indicateurs de suivi.
Une urgence sociale et éthique
Derrière les chiffres, il y a des vies. Ne pas accompagner ces jeunes, c’est les exposer à l’exclusion, mais aussi générer un coût social massif (hébergement d’urgence, RSA, soins, justice).
L’IGAS le rappelle : investir dans l’accompagnement, c’est investir dans l’avenir.